Souhaitant, selon sa tradition, rester au plus près des artistes, le musée confie l’installation de sa collection contemporaine à des artistes contemporains. La première édition de cette présentation a été confiée à Alain Clément.- Il exprime dans cette interview ses partis pris et sa réflexion autour de cet accrochage.

Céret, un musée de ma génération…

Ce choix, c’est un parti pris dans une collection qui en a un, et plusieurs en même temps. C’est partir de plusieurs points de vue, en sélectionner un, essayer de montrer le meilleur de ce parti-pris et ma vision du musée et des collections.

Tous les peintres qui sont dans la collection permanente d’art contemporain ont à peu près le même âge. Ce sont des artistes qui se côtoient depuis longtemps, qui ont même peint et été montrés au public ensemble. Un des points de rencontre entre ses peintres – dont je fais partie – était Céret. Notre peinture s’est toujours sourcée à cette peinture joyeuse de la fin 19e début 20e : le fauvisme. Elle s’est sourcée à une utopie que l’on avait de l’art, une fraternité… Et même s’il y a des antagonismes, des caractères différents, nous avons su nous entendre sur le chemin à prendre, contre qui « lutter » dans l’histoire de l’art, les tendances, ce que l’on a décidé de mettre en scène, d’apporter.

Une histoire de famille

Donc choisir à l’intérieur cette collection, c’est effectivement avoir un parti pris. J’ai écarté tout à fait délibérément une partie de ceux présents dans la collection et j’ai tenté de renforcer ceux qui étaient de ma famille. C’est donc une histoire de famille. Tous ceux qui sont là je les connais, je connais leurs œuvres, je connais leur vie. Nous avons fait beaucoup de choses ensemble… C’est cela que j’ai décidé de montrer. C’est le parti pris des choses qui est mon parti pris de peintre aussi…

Un accrochage didactique

Il y a un côté un peu didactique dans mon accrochage : la première salle c’est plein feu sur la couleur, mais la couleur morcelée. La seconde salle, c’est plein feu sur le noir et blanc et subitement un jaune apparaît. La troisième salle c’est très exubérant, elle nous propose notamment les tulipes de Benzaken et des artistes qui sont en général un peu plus jeunes que moi. Après, il y a une salle un peu plus locale avec des peintres d’ici : il y a Jean-Louis Vila, il y a Fauchier, et puis il y a Capdeville, un peintre qui a toujours vécu ici. Parmi les trois tableaux sur la mort de sa mère, j’en ai choisi un que j’ai accroché à côté d’une œuvre de Charvolen – qui a été très proche de Support surface – pour donner un peu d’air à ce tableau noir et griffé qui subitement m’est apparu plus joyeux qu’il ne fut avant. Ensuite, arrive une nouvelle salle avec des œuvres de Shirley Jaffe, Jan Voss, Bioulès. Et dans cette salle, on peut vraiment parler des « triomphes de la couleur ».

Dans les salles précédentes, même les tableaux de Viallat qui sont dans les collections du musée – alors qu’il est une espèce d’enchanteur de la couleur – ont une sorte de gravité. Ce que j’explique par la perception que j’ai de cette région : elle est très duelle. Elle est très marquée par la guerre civile espagnole, même si les souvenirs s’estompent puisque nous sommes la troisième génération, mais elle est marquée par des témoignages forts : la sculpture de l’israélien Karavan qui a fait la percée de la terre à la mer, en hommage à Walter Benjamin (Passages Homage to Walter Benjamin), c’est une œuvre très émouvante, très forte, physiquement très forte. Le fait qu’on est à quelques kilomètres d’un camp de concentration – appelons les choses par leur nom, ce n’est pas un camp de réfugiés, c’est un camp de concentration des réfugiés espagnols, tout cela fait partie de la gravité du pays.

Il y a ça aussi, ici. Mais, ce n’était pas mon parti. Moi, c’était : « en avant la gaieté, la joie de vivre » d’où la couleur et le triomphe de la couleur. À l’entrée de l’exposition, j’ai souhaité mettre un texte et une citation d’un poème de Rimbaud. Le texte, c’est une déclaration « attention travaux, attention peintures ».

Je crois que l’exposition – alors que je viens de la revisiter – est une exposition très claire, une exposition sans ambiguïté.

Et, ce que j’ai aussi voulu montrer, c’est que le musée de Céret, possède un « bon » fonds de collection. Ce n’est pas n’importe quel musée qui peut se permettre d’accrocher ce qui l’est ici… Il y d’autres scénarios possibles bien sûr. J’ai évacué des choses qui existent, qui ne sont pas insignifiantes. C’est le parti pris, ce n’est peut-être pas le best… mais c’est le mien.

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