Maria-Helena Vieira da Silva

L'espace en jeu

Exposition
19 février 2016 - 20 mai 2016

Née à Lisbonne en 1908, naturalisée française en 1956, Maria Helena Vieira da Silva (1908-1992) resta profondément attachée à ses racines portugaises et à sa ville natale. Son enfance et son adolescence se déroulent dans une riche atmosphère culturelle et une certaine solitude. La jeune femme part pour Paris en 1928. C’est au cours de dessin de l’Académie de la Grande Chaumière qu’elle rencontre son futur mari, le peintre d’origine hongroise Arpad Szenes (1897-1985). Ce dernier réalise de nombreux portraits de Vieira tout au long de leur vie commune. L’œuvre de Vieira s’imprègne des ateliers dans lesquels le couple vit et travaille, avant de s’exiler pendant la Seconde Guerre mondiale au Brésil. C’est une période douloureuse pour Vieira, très angoissée par les nouvelles qui lui parviennent d’Europe. Les deux artistes reviennent à Paris en 1947 et, à partir de 1960, passent chaque été dans leur maison atelier à Yèvre-le-Châtel, reprenant le cours d’une vie à deux entièrement vouée à l’art.

Vieira da Silva est de ces artistes du XXe siècle qui ont profondément réinventé l’espace pictural, le soumettant à leur imaginaire et lui donnant une nouvelle dimension plastique, intellectuelle et spirituelle. L’héritage du cubisme est présent dans son oeuvre, par l’éclatement et la recomposition du sujet selon des points de vues multiples. L’étirement, la distorsion de la perspective transforment l’espace du tableau en un espace scénique. La peinture fait sienne la magie du théâtre, du jeu, elle devient le lieu où se combinent le réel et l’imaginaire, l’intention et le hasard.

Rattachée à la Seconde École de Paris, Vieira da Silva oscille entre peinture abstraite et figurative. Les azulejos, traditionnels carreaux de faïence portugais, sont un prétexte pour déjouer la perspective et composer des damiers sans fin sur la toile. Impressionnée par les Joueurs de cartes de Cézanne et les nappes à petits carreaux de Bonnard, Vieira compose des intérieurs structurés par des échiquiers, des jeux de cartes et des rayonnages de bibliothèque. L’artiste met en scène son propre univers labyrinthique, notamment inspiré par la ville et son architecture. Vieira représente la structure des rues, des gares, du métro, des ports, des ponts ou des jardins.
Passionnée par la poésie, le théâtre et la musique, elle réalise un rideau de scène pour Arthur Adamov et se lie d’amitié avec Pierre Boulez, pour qui elle imagine une couverture de disque. Au fil du temps, Vieira poursuit son chemin vers l’abstraction, de plus en plus attentive à la lumière qui émane du tableau. 1985 est l’année du décès d’Arpad Szenes, qui lui inspire des toiles bouleversantes. Sa peinture tend vers la blancheur et la lumière.

L’exposition « Vieira da Silva, l’espace en jeu » offre au public l’opportunité de découvrir une artiste peu exposée dans le sud de la France depuis la présentation de la dation au musée Fabre à Montpellier en 1994. Elle retrace un parcours exceptionnel par sa cohérence et par la profondeur et la qualité de la recherche picturale. Depuis les premiers dessins anatomiques jusqu’aux ultimes papiers noyés de lumière, soit plus d’un demi-siècle de création, l’accent est mis sur son œuvre graphique rarement exposé, parfois inédit.

L’exposition proposée par le musée d’art moderne de Céret est organisée en étroite collaboration avec la Fondation Arpad Szenes – Vieira da Silva de Lisbonne, non loin de la maison atelier de Vieira et du jardin des Amoreiras qu’elle affectionnait particulièrement. L’exposition bénéficie également du concours exceptionnel de la Galerie Jeanne Bucher Jaeger et du Comité Arpad Szenes – Vieira da Silva. Jeanne Bucher fut la première galeriste à reconnaître dès 1933 le talent de la jeune artiste et à lui organiser une première exposition personnelle. Des prêts exceptionnels ont été consentis par le Musée national d’art moderne ainsi que plusieurs collections publiques et privées.

Un film de Charles Chaboud intitulé Vieira da Silva – Arpad Szenes – images partagées (1986) est diffusé à l’auditorium pendant toute la durée de l’exposition. Ce portrait biographique de Vieira da Silva est réalisé dans sa maison atelier à Yèvre-le-Châtel lors d’une exposition de dessins des artistes à la galerie de la Seita en 1984.